Peur de rien
Qui n'a jamais ressenti une peur. Cette peur qui
sournoisement nous entraîne dans une sorte de carapace protectrice qui
exorcise le possible. L'esprit construit une catastrophe virtuelle à
partir d'une situation réelle. Il s'engouffre dans un mélodrame de
l'extrême qui veut nous préparer à l'imprévu négatif. Jamais, nous
n'imaginons un possible positif, une réussite qui nous apportera un cœur
léger. Si un proche quitte le foyer, on prédit l'accident,
l'infidélité, le rapt ou d'autres situations plus sombres les unes que
les autres. Peut être que cela nous permet de nous préparer au pire. On
se dit que si cela devait arriver, on en aurait déjà gouté un peu de sa
saveur noirâtre, et donc, en cas de terrible catastrophe on en aurait
déjà reçu un petit arrière goût.
Ce que l'on recherche avant tout,
c'est d'échapper à la nouvelle intolérable qui risquerait d'emporter les
couleurs de notre âme. Car cette douleur, avouons le, nous mettrait à
nu face à nous même. Elle nous obligerait à enjamber le précipice du
paraître pour nous montrer tel que nous sommes, insignifiant et
solitaire. Et cette vision qui nous échappe dans les moments de bonheur,
frappe à notre porte dans les moments de doute. L'esprit a alors
inventé un subterfuge qui consiste à créer un vaste monde sombre et
accidenté où le pire reste la seule possibilité mais qui se libère dès
que l'absence n'est plus. Il est alors dans une joie construite de toute
pièce, un ersatz de bonheur qui fait croire à une action propre dans le
bon déroulement de cette instant de vie qui vient de s'écouler.
Cette
douleur mensongère qui fait place à un bonheur étriqué est un remède à
notre esprit desséché qui n'a plus la grandeur de la découverte de
l'inconnu et qui préfère cette comédie qui n'apporte qu'un chuchotement
de bonheur mais nous évite de nous lever de cette chaise que nous
refusons une fois pour toute de quitter.